Le rapport de l’OICV sur la régulation financière :
une importante contribution au G20 et aux futures
négociations communautaires
Le 15 septembre dernier, l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs a rendu
public un rapport proposant une vingtaine de principes destinés à réguler et encadrer plus efficacement les marchés dérivés de matières premières. Ce rapport, ambitieux compte tenu de
l’hétérogénéité des régulations actuellement en vigueur dans les différents États, reconnaît la
pertinence d’outils de régulation tels que les limites de position et rappelle surtout la nécessité
de penser cette problématique de manière globale, dans ses moindres aspects. Il s’agit d’une
contribution importante dans le processus du G20 et qui devrait alimenter la révision des
directives communautaires.
LES PUBLICATIONS DU SERVICE DE LA STATISTIQUE ET DE LA PROSPECTIVE – CENTRE D’ÉTUDES ET DE PROSPECTIVE
CENTRE D’ÉTUDES
ET DE PROSPECTIVE
Ve n° 47 - Septembre 2011
ille
Faisant le double constat que les produits dérivés de matières premières nécessitaient une approche spécifique en
matière de régulation et que les référentiels communs manquaient sur ce sujet, les pays du G20 ont demandé à
l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs1 (OICV ou IOSCO en anglais) lors du sommet de Séoul,
en novembre 2010, de poursuivre ses travaux sur la question. C’est dans ce cadre que l’OICV a publié le 15 septembre dernier un rapport intitulé Principes pour la régulation et la supervision des marchés de dérivés de matières
premières2. Ces principes actualisent, précisent et complètent une première série de principes inscrits dans le
Communiqué de Tokyo en 19973. Les principes proposés concourent à l’objectif général d’améliorer le fonctionnement des marchés de dérivés de matières premières et de lutter contre les abus de marché.
En premier lieu, le rapport prend acte des évolutions survenues depuis le Communiqué de Tokyo, en particulier le
développement et la complexification des transactions de gré à gré (Over The Counter ou OTC) et la montée en puissance du trading algorithmique (recours à des automates qui passent les ordres en fonction de programmes spécifiques), notamment le trading à haute fréquence. Ces évolutions sont au cœur d’autres travaux de l’OICV et ont fait
l’objet de rapports spécifiques4 n’étant pas propres aux matières premières. Toutefois, dans le rapport du 15 septembre l’OICV appelle les autorités à se doter des capacités de surveillance en temps réel adaptées aux nouvelles
techniques de trading (cf. infra), et à se donner les moyens d’accéder aux informations utiles sur les positions détenues OTC. Elle promeut l’enregistrement des transactions OTC sur des répertoires centraux (trade repositories) dans
la continuité des conclusions du sommet du G20 de Pittsburgh sur ce même sujet.
Les principes à faire prévaloir lors de la conception des produits dérivés sont largement détaillés. Ceux-ci doivent
en premier lieu être utiles aux utilisateurs potentiels qui souhaitent se couvrir contre la volatilité des prix. Dans
1. L’OICV est une organisation internationale créée en 1983 et composée des régulateurs des principales places boursières. Son but est de proposer à la
communauté internationale des standards techniques dans le domaine financier. L’AMF en France est membre ordinaire de l’OICV. La CFTC américaine en
est membre associé.
2. Le rapport publié est disponible sur le site de l’OICV : http://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD358.pdf
3. http://www.meti.go.jp/policy/commerce/intl/tkyc.pdf
4. Sur le trading électronique voir : http://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD332.pdf et
http://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD354.pdf. Sur les marchés OTC, voir par exemple :
http://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD345.pdf ou encore :
http://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD356.pdfMinistère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du Territoire
Secrétariat Général
Service de la statistique et de la prospective — Centre d’études et de prospective
12 rue Henri Rol-Tanguy — TSA 70007 — 93555 MONTREUIL SOUS BOIS Cedex
Tél. : 01 49 55 85 05 Sites Internet : www.agreste.agriculture.gouv.fr ; www.agriculture.gouv.fr
Directrice de la publication : Fabienne Rosenwald
Rédacteur en chef : Bruno Hérault
bruno.herault@agriculture.gouv.fr
Composition : SSP Beauvais
Dépôt légal : À parution ©2011
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cette optique, ces produits dérivés devraient être conçus de façon à faciliter une étroite corrélation avec les marchés physiques sous-jacents. Sur ce sujet, le rapport formule une liste de recommandations particulièrement pré-
cises, touchant aux spécifications et clauses techniques des contrats dérivés et visant à éviter un décrochage entre
le prix du dérivé et le prix du produit sous-jacent (ce que l’on nomme le « risque de base »).
Le rapport consacre ensuite une large place aux dispositions à adopter pour permettre aux autorités de régulation
d’exercer une surveillance efficace des marchés. Cette surveillance doit aller au-delà des seules transactions opé-
rées sur les marchés réglementés et les transactions de gré à gré. Les autorités devraient ainsi avoir accès aux informations utiles concernant les marchés physiques mais également les capacités et moyens nécessaires pour traiter
et analyser ces informations. La rapidité avec laquelle les ordres sont passés et les prix fluctuent impose désormais
une surveillance en temps réel, qui pourrait s’appuyer sur des automates de surveillance. Les acteurs contrôlant
ou disposant de positions importantes (large positions), susceptibles de provoquer des distorsions de prix, devraient
être tout particulièrement identifiés et suivis.
Le rapport aborde ensuite la délicate question des pouvoirs d’intervention, dont devraient disposer les autorités
compétentes pour empêcher les dysfonctionnements et les manipulations de marché. Parmi ces outils, le rapport
souligne que les régulateurs devraient avoir la possibilité de contraindre les opérateurs à modifier leurs positions,
mais également le pouvoir de fixer, ex ante, des limites aux positions que peut détenir un même acteur, comme
cela existe sur les produits agricoles aux États-Unis depuis 1936. Parmi les autres instruments mis en avant dans
le rapport figure la possibilité de mettre en place des instruments de type « coupe-circuit ». Ils existent déjà sur de
nombreux marchés où les transactions sont suspendues lorsque les prix varient trop fortement sur une courte
période.
Un autre chapitre est consacré aux régimes de contraintes et de sanctions qui doivent permettre de punir les abus
ou les tentatives d’abus de marchés. L’OICV reconnaît, sans l’approfondir, que la notion d’information privilégiée,
qui se conçoit aisément pour un marché action, doit être adaptée aux spécificités des matières premières. Surtout,
l’OICV reconnaît la nécessité de sanctionner explicitement les manipulations croisées. Ces opérations consistent
à agir en prenant simultanément des positions importantes sur les marchés dérivés et physiques, provoquant par
la même une évolution artificielle des cours dont le manipulateur tire profit5.
Enfin, est mise en avant la nécessité de publier régulièrement les positions détenues par grands types d’acteurs
– commerciaux, non commerciaux6 – à l’instar de ce que propose déjà la CFTC, le régulateur américain, à travers
son (Commitment of Traders7).
Le travail réalisé par les membres de l’OICV sur la régulation des marchés dérivés de matières premières a été
salué dans le plan d’action agricole du G208. Il constituera désormais un élément central de positionnement pour
la réunion des ministres des finances et gouverneurs de banques centrales du G20 les 14 et 15 octobre prochain
comme pour le sommet des chefs d’États à Cannes en novembre.
Reste désormais aux autorités membres de l’OICV à traduire ces principes dans leur propre législation. À ce titre,
il ressort que le rapport vient appuyer les résolutions prises préalablement par les États-Unis à travers le Dodd
Frank Act. Au niveau communautaire, où la Commission européenne devrait bientôt communiquer ses propositions de révision des directives « abus de marché » (2003/6/CE) et « MIFID » (2004/39/CE), ce rapport de l’OICV
pourrait également être mobilisé pour faire progresser la régulation européenne des marchés de dérivés de matiè-
res premières. Un renforcement qui ne sera pas sans impact sur le fonctionnement des marchés physiques, tout
particulièrement en ce qui concerne la transparence et l’accès aux informations.
Pierre Claquin
Centre d’études et de prospective
5. Pour la présentation d’un cas concret de soupçon de manipulation croisée : http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Note_Veille_37.pdf
6. Cette dernière catégorie pouvant également être subdivisée entre fonds indiciels, hedge funds, etc.
7. http://www.cftc.gov/MarketReports/CommitmentsofTraders/index.htm
8. http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/2011-06-23_-_Plan_d_action_-_VFinale.pdf
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