sábado, 22 de outubro de 2011

"Histoire politique et sociale des principautés danubiennes"


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"Histoire politique et sociale des principautés danubiennes"

PARIS, 

PAULIN ET IKCHEVAUER. ÉDITEURS, 1855
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On le voit : à de telles conditions , le changement de 
domicile est impossible ; et le cultivateur, quoiqu'il fasse, 
reste parmi les meubles du propriétaire domanial. Le 
règlement lui dit qu'il est libre, et l'empêche en même 
temps d'user de sa liberté. 

Tel est le fameux code de réforme imaginé parla puis- 
sance protectrice! Voilà les soulagements promis au 
paysan par M. de Kisseleff! Il faut en faire honneur aussi 
aux boyars qui l'ont rédigé, et parmi lesquels figurent 
en première ligne Bibesco et Stirbey. Le règlement or- 
ganique n'est pas seulement un monument consacré au 
vol et à l'oppression; c'est aussi un arsenal de guerres 
civiles, d'où doivent sortir un jour le massacre et l'in- 
cendie. Il est temps encore cependant de prévenir d'im- 
menses calamités que les opprimés appelleraient la jus- 
tice divine ; mais il faut pour cela qu'intervienne au plus 
tôt la justice humaine. 

Rédigé à l'ombre d'une occupation militaire, mis au 
jour par une administration étrangère, le règlement or- 
ganique fut inauguré dans le sang. En Valaquie, les 
paysans protestèrent contre les tyranniques bienfaits de 
M. de Kisseleff; les soldats russes, envoyés dans les vil- 
lages, prouvèrent à coups de fusil la douceur du règle- 
ment. En Moldavie, le mécontentement prit un caractère 
d'insurreclion ; la répression fut plus cruelle. Des flols 
de sang inondèrent les sillons où Ton enchaînait le 



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paysan. Ce fui un beau jour pour la grande propriété ; le 
boyar prit possession d'une terre fertilisée par des ca- 
davres. • 

Alors la rapacité se donna libre carrière. Car si les 
Russes étaient d'impitoyables protecteursi les boyars 
étaient de rudes propriétaires, et le régime nouveau fut 
développé par eux avec toutes les ruses d'une savante 
usure. 

Le pays tout entier en ressent bientôt les funestes ef- 
fe(s« Les victimes, incapables de résister, cherclient un 
asile à l'étranger. Lespaysans moldaves passent en Buco- 
vine» en Bessarabie et dans la Dobrudja ; les Valaques, 
en Transylvanie, en Serbie et en Bulgarie. £n vain les 
bords des fleuves sont activement surveillés et comme en 
état de siège ; lesémigrants francbissent les intervalles li-* 
bres de troupes. L'hiver surtout, les émigrations se 
multiplient, lorsque le Danube, arrêté par les glaces, forme 
un pont toujours ouvert. Plus de 40,000 familles s'éta- 
blissent le long de la rive serbe ; en Bulgarie et jusqu'en 
Romélie, on en compte aujourd'hui plus de 100,000, 
qui ont quitté le pays depuis le règne du règlement or- 
ganique, et leur nombre augmente tous les jours (l). 

Même les populations étrangères qui avaient fui le ré- 
gime turc, aimèrent mieux y retourner que d'accepter le 
règlement. Après la guerre de 1828, une colonie de Bul- 
gares, composée de plus de 30,000 familles, avait créé en 
Yalaquie de magnifiques établissements agricoles qui pro- 
mettaient un riche avenir. Les oppressions du règlement 

(1) Question éccnomiquc, p. 48. — DcrnitMC occupalion des 
principautés danubiennes, par Chainoi, p. 101. 



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forcèrent la colonie de se dissoudre; les Bulgares repassè- 
rent le Danube; et ceux d'entr'eux qui restèrent» fondè- 
rent deux petits bourgs, mais renoncèrent à l'agriculture. 
Pendant les années 4834, 1835 et lS3C,plus del2,0OO 
familles transylvaines, établies en Valaquie depuis près 
d'un demi-siècle, retournèrent dans leur pays. 

La dépopulation se faisait si rapidement, les plaintes 
du paysan devenait si vives, que le prince Alexandre 
Ghika en fut effrayé. De 48:n à 1842, on le vit lutter 
contre les boyars en faveur du paysan, et ce sont ces jus- 
tes réclamations, il faut le dire, qui soulevèrent contre 
lui les oppositions de rassemblée. Les offices (1) du 
prince sont de constants réquisitoires contre les méfaits 
de la grande propriété. Les boyars n'y répondent que par 
des récriminations, où ils accusent les dilapidations du 
gouvernement. Il y avait matière à critiquer sans doute, 
mais ce n'était pas une réponse aux reprocbes qu'ils mé- 
ritaient. D'ailleurs, dans les dilapidations du gouverne- 
ment, les boyars eux-mêmes étaient complices et béné- 
ficiaires, tandis que le prince était désintéressé dans la 
question des paysans. On doit donc savoir gré au prince 
Alexandre Ghika, d'avoir pris hardiment la défense des 
opprimés, d'autant mieux que ce fut une des causes 
de sa chute. 

On ne saurait se faire une idée de l'audacieux achar- 
nement avec lequel les boyars de l'assemblée se firent les 
champions de leurs propres abus. En pleine séance, 
dans la session de 1842, un d'entre eux s'écriait avec 
un véritable enthousiasme de financier : « Le paysan est 

(1) Communications i rassemblée. 



— sal- 
le capital du boyar (1). • De telles paroles n'ont pas be- 
soin de commentaires. Ajoutons que ce boyar était Técho 
des sentiments de la majorité. 

Les trompeuses espérances qu'avait inspirées Ta- 
vènehfient de Bibesco firent croire aux paysans qu'ils 
allaient obtenir quelque soulagement ; les pétitions, les 
plaintes se multiplièrent. Mais Bibesco était parmi les 
pro] riétaircs qui avaient combattu Ghika : complice des 
oppresseurs, il ne pouvait les mécontenter. Tout en di- 
minuantde deux joursriobagie(2), il augmenta les jours 
de travail aux grandes routes , doubla le péage des bar- 
rières y et enchaîna davantage le paysan à la terre du 
boyar. 

Tel est l'état de choses qui existe encore aujourd'hui 
en Moldo-Yalaquie ; telles sont les relations entre pro- 
priétaires et cultivateurs. Le tableau n'a rien d'exagéré. 
Nous craignons même de l'avoir décoloré, tant il est dif- 
ficile de peindre ce contraste inoui entre la misère et l'o- 
pulence, entre la victime et l'oppresseur. Pour résumer 
en quelques mots la constitution rurale des principautés» 
nous n'avons pas d'expression plus concluante que le 
fameux axiome socialiste , si faux comme principe gé- 
néral , mais devenu vrai dans cette application parti- 
culière : Dans les mains des boyars et des moines , la 
propriété c*est le vol. 

(i) Question économique, p. Al. 

^2) L'iobagie fut, en ISAS, réduite de 1& jours h 13. 

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